J'ai regardé hier
"JE VOUS TROUVE TRES BEAU", lors de sa première diffusion sur Canal+.
A part que je ne peux pas être totalement objective, puisque l'action se passe à côté de chez moi, avec "ma" montagne de Rochecolombe en toile de fond -dans un cadre splendide que je peux presque voir de ma fenêtre-, j'ai beaucoup aimé ce film drôle, sensible, pudique et tendre, servi par un jeu d'acteurs tout à fait remarquables.
Les dialogues sont fluides, presque toujours crédibles, sans tomber dans un "régionalisme" paysan outrancier, contrairement à beaucoup de films situés dans le milieu rural.
Bien sûr, ce n'est pas un chef d'oeuvre au sens où les critiques de cinéma l'entendent aujourd'hui, mais on est en plein dedans, ficelés du début à la fin. C'est une belle histoire qui nous est contée là. C'est l'histoire d'une non-rencontre qui peine à devenir autre chose. Car, a priori, rien ne les y préparait vraiment, ce n'était d'ailleurs pas ce qui les motivait, cet Aimé et cette Elena qui chacun avaient des raisons bien à eux de se "mystifier" mutuellement, quand pour la première fois ils ont été l'un en face de l'autre. Car tout commence avec de petits mensonges, dont aucun des deux n'est totalement dupe, mensonges qui, inévitablement, compliqueront les choses tout le long, en créant le doute en permanence sur la sincérité des sentiments.
On suit, sans se lasser, parfois le coeur battant, derrière les nuages de l'incompréhension des émois profonds de l'autre, le soleil timide puis éclatant, qui peu à peu leur envahit le coeur. Avec cependant en arrière plan, l'échec relationnel toujours possible, toujours en embuscade du fait des non dits, du fait de l'apparemment non "disable"..
Car la maladresse de nos deux héros pour communiquer, pour exprimer leurs sentiments, rappelle un peu la rencontre de E.T. avec le petit garçon.
Sauf qu'on n'est plus dans l'allégorie, mais dans le vécu d'un homme et d'une femme, qui, a priori, n'avaient pas grand chose en commun, sauf le besoin d'un autre, et pour des raisons tellement divergentes, qu'ils n'osent jamais être totalement sincères, en attribuant à l'autre les reproches qu'ils se font à eux mêmes, la plupart du temps de façon inaudible pour eux. Alors, on imagine difficilement qu'ils puissent construire ensemble autre chose qu'un avenir de convenance, tant ils sont sourds aux émois de l'autre, quand ce n'est pas à leurs propres émois.
On s'émeut, on souffre pour eux, on aurait envie de les pousser un peu l'un vers l'autre, tant ils nous captivent, nous entraînent dans leurs efforts à se trouver, mais en s'effleurant à peine, quand ils se sentent meurtris dans leurs mal-entendus, tant leur pudeur met leur rencontre sur le fil du rasoir, dans le décalage permanent de leurs ressentis face à l'autre... Tant ils rayonnent d'une humanité discrète mais bouleversante.
Alors, cette histoire va bien au-delà d'une rencontre arrangée entre un paysan qui cherche une paire de bras pour l'aider à la ferme, et une jeune Roumaine qui fuit la misère.
Elena possède intrinséquement ces qualités subtiles et ces valeurs familiales traditionnelles préservées de la femme roumaine, qui font que les hommes de nos contrées sont irrémédiablement séduits -même si, comme dans le film, à leur corps défendant, à leur coeur défendant-.
Elena ne peut être que roumaine. Avec ces petits riens qui tissent un cadre de vie inventé pour l'autre, avec les moyens du bord, avec ce qui déborde du coeur.
On touche aussi du doigt ce qui, parfois, fait naître les malentendus qui portent en germe l'échec de la relation, mais aussi les différences irréductibles de la symbolique amoureuse, et qui, dans le film apparaissent sans cesse en filigrane, avec beaucoup de discrétion et de finesse....
Je ne sais pas si c'est le film qui distille ces insoupçonnables profondeurs, ou si la réalisatrice nous propose subtilement un écran sur lequel nous pouvons projeter notre perception de l'âme humaine en général et roumaine en particulier. Toujours est-il que, sur ce plan là, ça fonctionne aussi bien qu'une pièce de Molière.
Et je me prends à rêver qu'Aimé et Elena pourraient réellement être mes voisins, quelque part au pied de Rochecolombe.... à deux pas de chez moi.
En tous cas, pour ceux qui n'ont pas encore vu le film, NE BOUDEZ PAS VOTRE PLAISIR !
Photo E. Roussel